par Sébastien Descours, Associé gérant, Da-Ose Consulting
Peu mis en avant, le vrai problème de nos amis les banquiers est l’absence de concurrence réelle sur leur secteur: légalement, il faut être filiale à 51% d’un établissement déjà installé pour obtenir une licence bancaire.
Dès lors, l’oligopole en place a su faire passer lois et décrets, entente sur le dos des consommateurs, orientation totale vers le rendement pour l’actionnaire…
Or, ces lois d’exception ne se justifient qu’à deux conditions, concordant avec la reconnaissance du rôle d’agent économique d’exception accordé aux banques:
- elles sont garantes de la sécurité de l’épargne et
- en la concentrant sont à même de financer les projets des entreprises et des personnes. ce dernier point est l’essence même du capitalisme!!!
Cette crise a mis en évidence que ces deux rôles n’étaient plus tenus:
- si l’on retire les crédits LBO et les crédits à la consommation (véritables trappes à pauvreté), la croissance des encours de prêts est largement négative depuis dix ans, significatif de l’effort réel mené depuis par le système bancaire pour le développement économique. (Certains se souviennent peut-être ici de mon passé de banquier dans les ZI de Gennevilliers où ¼ des capitaux déversés en 2000 sur internet finissaient sur mes livres : j’étais un des rares banquiers à accepter d’ouvrir des comptes aux start-ups !!! Belle mesure de la prise de risques de mes confrères et néanmoins concurrents…)
- les économies déposées auprès des banques ont été largement placées dans des instruments risqués conçus seulement pour satisfaire les appétits de commission des vendeurs. Et des actionnaires… Avec le résultat que l’on observe depuis quelques mois !
Dans ce cadre, la crise a obligé à repenser le rôle de ces acteurs économiques sous un angle
- soit d’exception, ce point impliquant un risque systémique et un rôle central dans notre système économique. Il implique de facto une mise sous tutelle de leur activité, garante du respect de leur contribution à la collectivité mais aussi de leur neutralité économique, leurs décisions étant seulement fondées sur la rationalité et non sur la satisfaction de tels ou tels catégories de clientèle ou d’actionnaires,
- soit comme un simple acteur soumis au jeu concurrentiel, et donc ouverture à la concurrence, avec tous les effets bénéfiques classiques d’une telle confrontation: meilleurs services, tarifs revus en baisse…
Ceci est chose faite sur plusieurs compartiments de leur activité, la crise ayant entraîné de la part des gouvernements et des acteurs privés agissant sur le secteur ouvert des stratégies de contournement de l’immobilisme observé.
Deux exemples vraiment frappants:
- La montée en puissance extrêmement rapide d’Oseo comme acteur majeur du financement des entreprises innovantes et de croissance,
- La pression sans équivalent apportée par la Commission Européenne sur la libéralisation des marchés de flux (SEPA)
Les mesures étatiques élaborées grâce à la crise ont également aidé des acteurs nouveaux à faire irruption:
- les fonds ISF Tepa par exemple, qui ont largement bousculé un univers du capital risque (qui ne risquait que de manière très mesurée). Leur comportement a même entraîné ce qui était appelé dans notre jargon l' »Equity Gap« : la tranche entre 100 et 1000 k€ de besoins en capital qui était resté longtemps la hantise des entrepreneurs, ce segment n’ayant aucune ressource disponible. La crise ayant poussé les banques à stopper l’affectation de ressources sur les LBO‘s, le fonds disponibles en capital se réalloue massivement en ce moment sur le Venture et sur le Capital Développement, secteurs les plus efficaces en termes de développement de l’activité économique,
- les sociétés indépendantes de gestion d’actifs, y compris les CGPI (Conseillers de Gestion de Patrimoine Indépendants) qui à coup de Low Cost et d’intelligence relationnelle ont conquis peu à peu le coeur de la Veuve de Carpentras et représente désormais le principal réseau de collecte de fonds.
Les PME ont désormais un arsenal vraiment renouvelé de sources de financement alternatives sans précédent, rendant le rôle du banquier se plus en plus marginal. (Da-Ose s’efforce de contribuer largement dans l’identification et le développement de nouvelles sources de financement pour ses clients entrepreneurs.)
Restent deux secteurs où la libéralisation devra progresser:
- les crédits à l’habitat: le caractère incontournable de cette offre bancaire comme principal facteur d’attraction de nouveaux clients a longtemps poussé les banques à vendre à bas prix. Les performances innommables de leurs « usines » à produire des crédits, fruit dune politique de réduction, de coûts mal maîtrisée, contrebalancent désormais l’attractivité des taux et il ne serait pas surprenant que l’on assiste rapidement à l’irruption d’un acteur étranger correctement équipé sur ce secteur,
- et ceux des crédits de trésorerie aux PME, en particulier les moins innovantes.
Quant aux crédits conso, sincèrement, leur disparition ne pourrait qu’aider à la saine gestion des ménages les plus endettés et à nous faire sortir d’une économie d’ultra-consommation qui n’a plus beaucoup d’avenir à l’heure de l’urgence carbone.
Enfin, faire sauter le verrou de la création de nouvelles banques plus réactives et modernes et autoriser enfin l’obtention de licences bancaires au service du financement de l’économie sera la pierre de voûte d’un monde nouveau et dédié à ses citoyens plutôt qu’aux actionnaires.