La Ville de Lyon intoxiquée par ses «propres» emprunts

La SACVL (Société anonyme de construction de la Ville de Lyon) a joué avec le feu. Ou, plus précisément, avec des emprunts à risques. Bilan : une perte annoncée de 30 millions d’euros qui empêche la construction de logements sociaux.
ville-de-lyonLa SACVL est une société d’économie mixte composée d’un actionnaire majoritaire, la Ville de Lyon (75% des parts) et d’actionnaires privés, principalement des organismes bancaires et des sociétés immobilières. Sa vocation : la construction et la gestion de commerces, de bureaux et de logements à caractère social pour certains. Son patrimoine immobilier est estimé entre 1 milliard et 2 milliards d’euros. Fin 2007, ses dirigeants souscrivent à des Swap (1), appelés aussi « emprunts toxiques » en raison de leur montage financier spéculatif complexe et risqué, afin de sécuriser la dette de la société. L’information, qui fait polémique dans les coulisses de la vie lyonnaise, a été révélée par Les Potins d’Angèle. « Nous n’avons été consulté que partiellement car la souscription s’est faite de manière furtive. Ce système d’emprunt est tellement complexe que même le directeur financier de la Ville de Lyon n’a rien compris ! », s’étonne un administrateur de la SACVL.

lyon1L’emprunt a été contracté auprès de CALYON, une filiale d’investissements grands comptes du Crédit agricole, dont un employé de haut rang siège au sein du conseil d’administration de la SACVL. Le produit proposé par CALYON s’intitule Eurostar 3 mois. Indexé sur l’Euribor, l’un des principaux taux de référence du marché interbancaire européen, son taux varie d’un jour à l’autre ; c’est ensuite sa valeur au premier jour de chaque trimestre (le fixing) qui détermine le taux auquel est soumis l’emprunt. La SACVL a ainsi pris le risque de spéculer sur un marché extrêmement volatile à partir de la base suivante : si le taux de l’Euribor reste dans les marges fixées lors de la signature du contrat, c’est-à-dire entre 2,5% et 6,2%, la SACVL ne reverse pas d’intérêts à la banque (CALYON). Elle peut même espérer en gagner. Mais si l’Euribor venait à chuter au point de sortir de ces marges, la SACVL perdrait de l’argent. C’est ce dernier scénario qui s’est produit. « Pour faire face à la crise, la Banque centrale européenne a changé son taux directeur de 4,5% à 1%. Aujourd’hui, nous sommes très largement en dessous des marges prévues dans le contrat puisque le taux est environ de 1,37%. De ce fait, sur une couverture de 20 millions d’euros, nous devons payer 250 000 euros chaque trimestre à la banque, soit un million d’euros à l’année » explique Michel Le Faou, le président de la SACVL. A l’issue des deux premières années du contrat, la société mixte devra rembourser près de 2 millions d’euros à CALYON… ainsi qu’une bonne centaine de millions d’euros jusqu’au terme du contrat.

A ce jour, la SACVL est en négociation avec CALYON afin de rompre le contrat lui aussi toxique. La rupture devrait coûter 25 millions d’euros, d’où la provision de 30 millions d’euros votée par le conseil d’administration de la société mixte ; provision couverte par la vente de quatre immeubles à plusieurs bailleurs, dont Alliade. Un moindre mal si on estime que le contrat, dont l’échéance est fixée à 2022, coûterait près de 120 millions d’euros. Fait étrange : d’après une source proche du dossier, la SACVL remplissait, en 2007 toujours, une fiche déclarative mentionnant le CALYON comme l’un des actionnaires privés de la SACVL. « Informations à prendre avec précaution, selon notre source. Le risque que cette déclaration soit erronée n’est pas nulle, même si elle émane directement de la SACVL ». Au même moment, alors que la SACVL souscrivait au Swap de 15 millions d’euros, plus aucune trace de l’actionnariat de CALYON. « Courant 2008, le Crédit agricole entrait dans le capital de la société mixte en reprenant des parts à une autre de ses filiales, le Crédit lyonnais développement économique » tente de justifier la SACVL. Des actionnaires-partenaires commerciaux, des spéculations financières douteuses, le départ à la retraite du directeur général, Gérard Klein, au moment où la société est éclaboussée par cette affaire… La gestion de la société, de même que ses relations avec ses actionnaires ne semblent pas des plus transparentes.

Michel Le Faou, président de la SACVL nommé en 2008 (après la signature des Swap) estime que « la société n’avait aucune raison pour souscrire aux Swap », d’autant plus que d’autres sociétés mixtes et des collectivités locales de l’Hexagone en ont payé un lourd tribut. L’Etat devrait demander à ses institutions une plus stricte vigilance dans la prise de risque et dans la mise en place de provisions. Michel Le Faou promet que les loyers des logements cédés à Alliade ne seront pas augmentés et que le personnel de la SACVL, s’il devait faire l’objet d’un plan de sortie de crise, serait immédiatement réembauché. Cela n’estompe pas pour autant la grogne de certains administrateurs de la SACVL, qui accusent « la politique irresponsable de la Ville de Lyon ». En effet, ces 25 millions d’euros de pertes, dans l’hypothèse d’une issue « favorable », passeront littéralement par les fenêtres. Cette sommes d’argent non négligeable aurait permis la construction de logements sociaux supplémentaires – sans évoquer la volonté politique – ne serait-ce que pour se rapprocher des 20% imposés par l’Etat. Peut-être aussi que ces 25 millions d’euros auraient pu participé à la baisse du loyer de certains logements sociaux compris dans le parc immobilier de la SACVL.
(1) SWAP : Le swap (de l’anglais to swap : échanger) ou l’échange financier, est un produit dérivé financier. Il s’agit d’un contrat d’échange de flux financiers entre deux parties, qui sont généralement des banques ou des institutions financières.(voir: http://fr.wikipedia.org/wiki/Swap_(finance)


Source: http://www.lyonmag.com

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